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LA LOI INTERPRÉTATIVE : UN OUTIL DE CLARIFICATION LÉGISLATIVE.

I. DÉFINITION ET FINALITÉ DE LA LOI INTERPRÉTATIVE :Une loi interprétative est une loi adoptée dans le but de

LA LOI INTERPRÉTATIVE : UN OUTIL DE CLARIFICATION LÉGISLATIVE.

I. DÉFINITION ET FINALITÉ DE LA LOI INTERPRÉTATIVE :
Une loi interprétative est une loi adoptée dans le but de préciser et d’éclaircir le sens et la portée d’une loi antérieure dont l’application a suscité des incertitudes ou des divergences d’interprétation. Elle ne crée pas de nouvelles règles de droit, mais vise à officialiser l’interprétation qui aurait dû être donnée à la loi depuis son origine.
Cette nécessité d’interprétation découle généralement :
• D’ambiguïtés dans le texte initial ;
• De décisions judiciaires contradictoires ;
• De difficultés d’application soulevées par les praticiens du droit.
Contrairement aux lois modificatives qui changent le droit en vigueur, une loi interprétative est censée se limiter à une fonction d’éclairage sans en altérer la substance de la loi existante.

QUI PEUT INTERPRÉTER LA LOI ?
Trois acteurs institutionnels sont habilités à interpréter la loi :

  1. Le législateur : Par l’adoption d’une loi interprétative, il précise le sens et la portée d’une loi antérieure.
  2. L’administration : À travers des circulaires, des instructions, ou des notes explicatives, elle guide l’application de la loi, mais ces interprétations n’ont pas force contraignante.
  3. Le juge : Il est la “bouche de la loi” selon Montesquieu et, par son pouvoir juridictionnel, il interprète les textes dans le cadre des litiges qui lui sont soumis.
    Toutefois, seul le législateur peut adopter une loi interprétative ayant valeur normative, tandis que l’administration et les juges ne font qu’appliquer ou préciser la portée des textes dans leur domaine respectif.

L’EFFET RÉTROACTIF DE LA LOI INTERPRÉTATIVE : PRINCIPE ET LIMITES
Principe général :
Une loi interprétative est rétroactive, car elle est censée révéler le sens originel d’un texte préexistant. En d’autres termes, elle ne crée pas de nouvelles obligations, mais clarifie ce qui était déjà en vigueur.
Limites et exceptions :
Cependant, la rétroactivité d’une loi interprétative est strictement encadrée et ne peut en aucun cas :
• Porter atteinte aux droits acquis des justiciables ;
• Contredire le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères
• Détourner les principes constitutionnels (sécurité juridique, légalité des délits et des peines, séparation des pouvoirs, etc.).
Ainsi, une loi interprétative ne saurait modifier substantiellement le droit existant sous prétexte de clarification. Si tel est le cas, elle ne serait plus une loi interprétative, mais une loi modificative ou complémentaire.

L’adoption de la loi n°01/2005 du 7 janvier 2005 portant loi d’amnistie ou loi EZZAN, le Conseil a été saisi par deux requêtes successives110 de l’opposition parlementaire.
Dans sa décision en date du 12 février 2005, le Conseil constitutionnel s’est contenté de préciser « que ni la Constitution ni aucune norme de valeur constitutionnelle ne limitent le pouvoir du législateur d’amnistier des catégories quelconques d’infractions qu’elles soient punies de peines criminelles, correctionnelles ou contraventionnelles, ni des faits déjà amnistiés sous réserve du respect du principe de l’intangibilité des droits acquis »

UNE LOI INTERPRÉTATIVE PEUT-ELLE CRÉER DES INFRACTIONS OU AGGRAVER DES PEINES ?
Non. En droit pénal, une loi interprétative ne peut ni instituer de nouvelles infractions, ni aggraver des sanctions existantes.
Principes fondamentaux en jeu :
• Principe de légalité des délits et des peines prévues par la Constitution, le droit Pénal, (article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et (l’article. 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques).
• Interdiction de la rétroactivité des lois pénales plus sévères.
Toute tentative d’utiliser une loi interprétative pour réprimer des comportements antérieurement non punissables ou alourdir des peines déjà prononcées serait inconstitutionnelle et sanctionnée par le juge constitutionnel.
En revanche, une loi interprétative peut bénéficier rétroactivement à une personne si elle allège une sanction ou supprime une incrimination (principe de rétroactivité in mitius).

DISTINCTION ESSENTIELLE ENTRE LOI INTERPRÉTATIVE ET LOI COMPLÉMENTAIRE ?
Une confusion courante, y compris chez les législateurs, consiste à assimiler loi interprétative et loi complémentaire. Or, ces deux types de lois répondent à des logiques bien distinctes :
Ainsi, une loi interprétative ne doit pas être un moyen déguisé de légiférer rétroactivement, sous peine d’être censurée par le Conseil constitutionnel.

LES VOIES DE RECOURS CONTRE UNE LOI INTERPRÉTATIVE ?
Le Conseil constitutionnel peut être saisi pour vérifier la conformité d’une loi interprétative avec la Constitution, notamment si elle :
• Porte atteinte aux droits fondamentaux ;
• Constitue une rupture du principe de légalité ;
• Modifie substantiellement le droit sous couvert d’interprétation.

LES DELAIS DE RECOURS DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ?
• Le Président de la République dans un délai de 8 jours après l’adoption du texte et selon l’article 72 de la Constitution « Le Président de la République promulgue les lois définitivement adoptées dans les huit jours francs qui suivent l’expiration des délais de recours visés à l’article 74 ».
• 1/10e des députés ou des sénateurs dans un délai de 6 jours après la transmission du texte.
Le Conseil constitutionnel accepte le principe des lois interprétatives, mais il veille à ce qu’elles ne soient pas un prétexte pour réécrire le droit sous une apparence trompeuse. Toute disposition qui dépasse le cadre de l’interprétation stricte et porte atteinte aux principes fondamentaux risque d’être annulée.

UN EXERCICE LÉGISTIQUE DÉLICAT :
L’élaboration d’une loi interprétative est un acte légistique complexe qui exige rigueur et prudence. Un excès dans l’interprétation peut dénaturer la fonction même du législateur et remettre en cause la sécurité juridique des citoyens.
🔹 Le législateur doit éviter deux erreurs majeures :

  1. Transformer une loi interprétative en un moyen déguisé d’altérer le droit existant.
  2. Confondre loi interprétative et loi complémentaire, ce qui pourrait entraîner des abus de rétroactivité illégitimes. Enfin, toute loi, y compris interprétative, doit respecter les caractères fondamentaux du droit :
    • Général (s’applique à tous sans distinction arbitraire) ;
    • Permanent (ne doit pas être temporaire sauf exception légitime) ;
    • Impersonnel (ne vise pas des individus ou des cas particuliers) ;
    • Coercitif (assortie de sanctions en cas de non-respect).
    Un usage abusif ou détourné de la loi interprétative ne ferait que fragiliser l’État de droit et la prévisibilité du système juridique. C’est pourquoi son adoption doit être encadrée avec prudence, technicité et responsabilité.
    En somme, interpréter la loi est un exercice d’équilibre, où toute approximation peut avoir des conséquences majeures.

El Amath THIAM, Juriste-Consultant et Président « JUSTICE SANS FRONTIERE »

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